C’est en cherchant des informations sur un monument valencien, que je suis tombé par hasard sur une représentation de Valencia au XIXème siècle.
Il était écrit en légende : « Lithographie d’Alfred Guesdon ». Inconnu au bataillon, cet Alfred.
Alfred Guesdon
Voyons voir de qui il s’agit, direction le toujours pratique Wikipédia. Bonne source d’infos pour en apprendre davantage sur les illustres inconnus.
Donc, notre Alfred Guesdon est un pur nantais, né en 1808. Il fait des études d’architecte aux Beaux Arts à Paris. Mais à priori, il n’a laissé aucune œuvre architecturale mémorable.
Il est, par contre, beaucoup plus connu pour ses lithographies aériennes et ses talents d’artiste peintre.
En effet, dans la première moitié du XIXème siècle, il réalise de nombreuses lithographies de plusieurs villes européennes, en France, Italie, Suisse et donc aussi en Espagne.
À son palmarés : Madrid, Barcelone, Séville, Cordoue, Alicante, Valencia, Valladolid, Saragosse, Grenade, Gênes, Brest…
Toutes ces œuvres sont à l’époque publiée dans la célèbre revue parisienne L’Illustration. Les représentations des villes espagnoles ont droit à une série intitulée « L’Espagne à vol d’oiseau » (1853).
D’ailleurs, un mystère plane toujours autour d’Alfred.
Comment a-t’il peut réaliser de telles illustrations sans se servir d’un drone ? Est-ce que son vrai nom était Doc Emmett Brown et qu’il est venu à Valencia en Delorean ?
Est-ce qu’il a utilisé une montgolfière et un des premiers appareils photos (à l’instar du gallois Charles Clifford) ?
Est-ce qu’il est parti de plans détaillés pour faire des projections en perspective (après tout, il est architecte notre Alfred) ?
Nom de Zeus, on ne le saura jamais avec certitude. Bien que la dernière possibilité soit la plus probable.
Voyage de Guesdon à Valencia
Mais, revenons à Valencia.
En 1853, Alfred Guesdon est donc venu à Valencia, pour faire deux lithographies aériennes de la ville.
Une vue depuis l’actuel district de la Saïdia, et une vue depuis l’actuel district de Camins al Grau.
Il en ressort qu’au milieu du XIXème siècle, Valencia est une ville encore engoncée derrière ses murailles.
La ville se limite à l’actuel disctrict de Ciutat Vella.
Il faudra attendre 1868, pour que l’on fasse tomber toutes les murailles et la majorités des tours médiévales, pour que la ville puisse s’étendre au delà de ces limites.
En moins de 200 ans, la ville s’est largement étendue.
Que reste t’il de la Valencia du XIXème siècle ?
Valencia depuis la Saïdia
Alfred Guesdon s’est placé au nord-est de Valencia, donc face à la mer méditerranée. L’on distingue au loin l’Albufera, la petite Camargue valencienne.
1 – Le port de Valencia
En 1853, le port de Valencia est encore coupé de la ville par des champs. La principale rue boisée menant au port est l’actuelle Avenida del Puerto.
2 – Musée des Beaux Arts
Il se trouve toujours au bout du pont de Trinitat. Par contre, en 1853, il n’y a pas encore de trace des Jardins de Viveros, tel qu’on les connait. Il faut attendre 1926, pour que les jardins soient ouverts au public.
3 – Avenida de la Constitucíon
Les batiments de l’époque ont depuis laissé place à des barres d’immeubles plus récentes.
4 – Pont del Real – Église et palais du temple
À gauche on voit le pont del Real qui mène à la plaza Tetuán. Le palais et l’église sont toujours là de nos jours.
5 – Torres de Serranos et pont de Serranos
Avec les Torres de Quart, se sont les deux seules portes qui subsistent encore à Valencia. Chaque année, le lancement des Fallas (la crida) se fait devant les Torres de Serranos. Le secteur n’a pas trop changé depuis le XIXème siècle.
Juste un peu plus de voitures qui passent devant.
6 – Portal Nou – Porte de San José
La porte fut rasée en 1868, avec le reste des murailles. Alfred est passé à Valencia juste à temps. Aujourd’hui il reste juste la place du Portal Nou, à l’emplacement de l’ancienne porte.
À droite de la porte, tous les jardins ont disparu laissant place à des anciennes usines, des immeubles et l’IVAM (institut valencien d’arts modernes).
7 – La Cathédrale et le Micalet
Le cœur du centre historique de Valencia. Bien évidemment, ces deux monuments emblématiques de Valence sont toujours debout, nichés entre la Plaza de la Reina et la Plaza de la Virgen.
Tu savais que le St Graal se trouve dans la Cathédrale de Valence ?
8 – Santa Catalina
L’église de Santa Catalina est toujours là, au bout de la calle La Paz. En 1853, l’actuelle Plaza Redonda qui attire de nombreux visiteurs, n’avait qu’une dizaine d’année d’existance (1840).
9 – Plaza del Mercado et Lonja
En 1853, le mercado central n’était pas encore sorti de terre (1914). À cet endroit se trouvait alors, un grande place triangulaire : la place du marché, ainsi que l’église San Juan del Mercado (on voit son clocher sur la lithographie).
Jusqu’en 1838, se trouvait à l’emplacement de l’actuel Mercado Central, le monastère de las Magdalenas.
10 – Plaza de Vicente Iborra
Que de changements en 200 ans. Les immeubles ici aussi ont remplacé les jardins.
De la longue coulée verte qui menée aux pieds de Torres de Quart, il ne reste que le petit jardin de la Plaza Vicente Iborra et la Parroquia de Nuestra Señora del Puig.
11 – Musée de la préhistoire de Valencia
Certes le musée a perdu sa coupole bleue, mais il se dresse toujours fièrement aux abords de la Calle Guillem de Castro.
Le bâtiment que l’on voit sur la lithographie n’était pas un musée à l’époque. Mais la toute récente Maison de Bienfaisance (1841). Le musée ne sera transféré dans ces lieux qu’en 1982.
12 – Église de las Escuelas Pías
Fidèle au poste, l’église, de style baroque, fut achevée au XVIIIème siècle (1771).
Tu pourras y admirer la plus grande coupole d’Espagne.
On y trouve aussi le Real Colegio de las Escuelas Pías, une école privée prestigieuse, qui date de la même époque.
13 – Torres de Quart
Ni les troupes napoléoniennes de Suchet (fin 1811), ni la modernisation de Valencia n’ont eu raison des Torres de Quart.
Des troupes napoléoniennes, il ne reste que les impacts de boulets sur les façades des tours.
Pourquoi le nom de Quart ? Tout simplement car, elles se trouvent sur le chemin qui menait au village de Quart de Poblet.
14 – Université Catholique de Valencia – Asile de St Jean Baptiste – Couvent du Corpus Christi
Le bâtiment que l’on voit sur la lithographie est le couvent du Corpus Christi (1693). Toujours situé juste en face de l’ancienne Casa de la Benificiencia (actuel musée de la préhistoire).
Juste à côté du couvent (dans le petit triangle arboré) sera construit un asile pour héberger les jeunes filles nécessiteuses.
L’asile fut construit au XIXème siècle (1874) à l’initiative d’un riche commerçant valencia : Jean Baptiste Romero. Quelques années après le passage de notre artiste Alfred.
De nos jours, l’UCV possède plusieurs campus au sein de Valencia, dont celui se trouvant dans les locaux de l’ancien asile de St Jean Baptiste.
15 – Eglise de la Santísima Cruz – Couvent del Carmen
Le couvent est de nos jours, un centre culturel.
Déjà à l’époque d’Alfred, le couvent avait été réhabilité en musée. Il était alors le premier musée des beaux arts de Valencia, avant que celui ci déménage près des jardins de Viveros.
Valencia vue depuis Camins al Grau
Nouvel angle de vue pour notre artiste français. Il s’est déplacé à l’est de Valencia, dans l’actuel district de Camins al Grau.
1 – Portal Nou
2 – Torres de Serranos
3 – Pont del Real
On peut apercevoir sur le pont, les deux petits abris (1682) dédiés aux saints protecteurs de Valencia : St Vincent Martyr et St Vincent Ferrer. À noter que les deux statues furent détruites durant la guerre civile espagnole (1936), elles furent remplacées en 1945 et 1946.
4 – Torre de San Felipe et San Jaime
En fait il y a deux petites tours de garde (1714), on n’en distingue qu’une seule sur la lithographie. Elles sont toujours présentes de nos jours, coincées entre les jardins du Turia et le paseo de la Alameda.
5 – Musée des Beaux Arts
Sur cet angle de vue, on distingue mieux à droite le début des jardins de Viveros.
Juste au dessus du musée, l’on devine le pont de Trinitat et le monastère du même nom.
Aucune trace par contre du pont de Fusta (de madera en castellano), il faut dire que c’est l’un des ponts les plus récents de Valencia, il date de 2012. Et auparavant c’était juste une petite passerelle en bois et acier (d’où son nom).
6 – Église et palais du temple
À l’époque, la place du temple actuelle, se trouvait derrière les murailles.
7 – Couvent de Santo Domingo
Ancien couvent dominicain, puis capitainerie générale, situé Plaza de Tetuán à Valencia.
Le vaste complexe héberge actuellement le quartier général terrestre de haute disponibilité de l’armée espagnole.
Il faut souligner que l’on peut malgré tout visiter ce monument historique (3 jours par semaine et lors de 2 journées de portes ouvertes annuelles).
8 – Puerta de la Mar
Et oui, lorsqu’Alfred est passé à Valencia, la porte n’était pas encore au beau milieu d’un rond point et le pont des expositions n’existait pas.
La porte était le point de passage entre Valencia et l’actuelle avenida del puerto.
Depuis, les murailles ont disparu, il ne reste qu’une copie de l’ancienne porte, comme vestige du passé.
La porte actuelle fut érigée en 1946, l’ancienne datant de 1801, fut démolie en même temps que les murailles.
Subsistent encore les jardins : le jardin de la Glorieta, la place Alfonso el Magnanimo.
On peut aussi voir la calle La Paz, qui mène vers le point 10 (Santa Catalina et la Plaza de la Reina).
9 – Cathédrale et Micalet
Rien de neuf, ils sont toujours là.
10 – Santa Catalina
Idem, l’église est toujours là, et à ses pieds la fameuse horchateria du même nom.
On ne connait pas la date exacte de la fondation de l’horchateria Santa Catalina (elle a plus de 200 ans). Il est donc possible qu’Alfred s’y soit attablé.
Plus surement, il se sera arrêté dans l’autre horchateria emblématique de Valence : El Siglo (fondée en 1836 et fermée en 2014).
11 – Église San Juan de l’Hospital
Peut être un des plus ancien bâtiment de la ville. En tout cas, il s’agit de l’église la plus ancienne de Valencia (1238).
12 – Église del Patriarca – Colegio del Patriarca
Depuis 1583, l’on y trouve le Colegio del Patriarca, collège séminariste.
On peut aussi accéder à un petit musée (arts religieux et peintures flamandes).
L’autre principal bâtiment, la Nau, appartient maintenant à l’Université de Valencia.
13 – Église de las Escuelas Pías
14 – Torres de Quart
On distingue au loin, les Torres de Quart et juste derrière, le couvent du Corpus Christi.
Comme tu peux le voir sur la lithographie, nous sommes alors à la limite ouest de Valencia. Le district d’Extramurs n’est encore que des champs maraichers.
En portant le regard, vers la droite, on devine l’ancien village de Campanar, isolé au milieu des champs.
15 – Convento Nuestra Señora del Socorro
Alfred a eu davantage de chance que nous. Le couvent n’existe plus en son état originel.
En 1877, le couvent était déjà en ruine lorsque, l’on fit construire un collège sur son emplacement : le Colegio de Jesús y María.
Le collège fut agrandi en 1952.
16 – Convento Nuestra Señora de Belén
Décidement, il fait pas bon être un couvent situé dans le district d’Extramurs.
Celui-ci aussi n’existe plus. Pour le coup, il avait déjà bien souffert lors de la guerre d’indépendance contre les troupes napoléoniennes
Il fut malgré tout rénové peu après la viste d’Alfred en 1864. Mais en 1936, de nouveau à l’état d’abandon, il est définitivement rasé.
17 – Plaza del Ayuntamiento – Convento San Francisco
Heureusement que l’on a cet angle de vue de Valencia, sinon on aurait raté la place principale de Valencia.
Ce que l’on voit sur la lithographie est l’ancien couvent de San Francisco. Oui, encore un couvent disparu depuis le passage d’Alfred.
Quoique lors du passage de notre artiste, le couvent était déjà occupé par des militaires, et transformé en caserne.
Le couvent fut rasé en 1891, pour laisser place à une grande esplanade qui est l’actuelle plaza del Ayuntamiento de Valencia.
Elle était d’ailleurs nommée au début Plaza de San Francisco, puis Plaza de Emilio Castelar, Plaza del Caudillo, Plaza del Pais Valenciano…
Nul doute que, si Alfred Guesdon revenait aujourd’hui à Valencia, il aurait bien du mal à reconnaitre les alentours du centre historique. Mais il aurait la chance d’aller au Mercado Colón (1916).
D’ailleurs, si cela t’interesse de voir l’évolution de Valencia au fil des ans, je ne peux que te conseiller cet excellent blog : La Valencia desaparecida (La Valencia disparue) d’Ángel Martínez.
Avec la démolition des murailles, la ville était sur la route d’un profond changement urbanistique.
Envie de partir sur les traces d’Alfred ?
Passionnant et bien documenté!
J avoue que je suis depuis plus d un an déjà vos newsletter. Elles sont toujours remplies d info intéressantes et pertinentes mais cette nouvelle approche historique est innovante !
Merci et félicitations pour vos lettres qui nous font voyager … quelques minutes de bonheur et d espoir en cette période difficile et anxiogène !
Inès, une fidèle lectrice
Merci beaucoup Inés 🙂 Je vais mettre à jour l’article avec une google maps, pour mieux repérer les monuments.