Chaque jeudi (s’il n’est pas férié) se réunit devant la Puerta de los Apóstoles de la cathédrale de Valence, le tribunal des Eaux. Ce tribunal civil fut créé au Moyen Âge pour arbitrer les conflits entre les agriculteurs, pour tous les problèmes liés à l’irrigation.
Le climat méditerranéen qui règne sur Valence fait de l’eau une ressource précieuse. Afin de distribuer équitablement l’eau en provenance du fleuve Turia dans chaque parcelle de la plaine maraichère de Valence (La Huerta), il a fallu mettre au point un système complexe de canaux d’irrigation. Actuellement, 9 communautés d’irrigants gèrent ces canaux :
- Quart
- Benàger et Faitanar
- Tormos
- Mislata
- Mestalla
- Favara
- Rascanya
- Rovella
- Chirivella
Le tribunal des Eaux (Tribunal de las Aguas) est donc l’institution chargée de juger les contrevenants. C’est la plus vieille institution juridique existante en Europe. Son origine supposée remonterait au temps d’Al Andalus et particulièrement du Califat de Cordoue (Xème siècle)
La cérémonie est immuable depuis plusieurs siècles :
Chacune des 8 communautés d’irrigants fournit un représentant (sauf Chirivella). L’un d’eux endosse le rôle de président durant un mandat de 2 ans. Actuellement le président est Francisco Almenar Cubells, membre de la communauté de Benàger y Faitana.
Chaque jeudi, lorsque midi sonne, le président et ses assesseurs se réunissent devant la porte des Apôtres de la Cathédrale de Valence.
L’huissier (Alguacil) appelle alors les premiers contrevenants avec cette formule : « ¡Denunciats de la Séquia de Quart! » (Accusés du canal de Quart). S’il y a un accusé, celui s’approche, accompagné par le gardien du canal de Quart. L’on commence toujours par le canal de Quart, car c’est lui qui récupère en premier l’eau du Turia, puis, ainsi de suite, jusqu’au canal de Rovella.
Le garde expose le cas devant le tribunal et conclut son intervention par la phrase rituelle : « Es quant tenia que dir » (C’est ce que j’avais à dire). Le président donne alors la parole à l’accusé : « Qué té que dir l’acusat? » (Qu’as-tu à dire l’accusé ?) qui peut alors se défendre.
Toute la cérémonie se déroule ainsi oralement et en valencien, sans avocats ni documents écrits. Le jugement est rendu immédiatement après une brève délibération publique et en présence des intéressés.Dans un souci d’impartialité, le représentant de la communauté plaignante, ne participe pas à la délibération.
Le tribunal n’est là que pour dire si l’accusé est reconnu coupable ou non. Il n’y a pas d’appel ou recours possible à la sentence. C’est le représentant du canal plaignant qui fixe le montant de l’amende.
Outre sa fonction judiciaire, le tribunal a également une fonction administrative. Si les jugements ont lieu devant la Cathédrale, les débats administratifs ont lieu, non loin de là, à la Casa Vestuario. Les membres sont les mêmes que pour le tribunal, sauf que le représentant de Chirivella peut participer, il y a donc 9 représentants.
De nos jours, les débats portent principalement sur l’approvisionnement par la retenue d’eau de Bénageber.
Ironie de l’histoire, c’est cette même retenue de Bénageber qui fait que le tribunal des Eaux a moins d’importance aujourd’hui. En effet, la pénurie en eaux se faisant moins sentir, les conflits sont moins fréquents et donc les plaintes sont réduites à peau de chagrin.
Avec le réchauffement climatique et ses conséquences, nul doute que le tribunal reprendra plus d’importance.
Cependant, il faut plus qu’une retenue d’eau pour mettre à mal cette institution séculaire, reconnue par l’UNESCO.
Pour en savoir plus vous pouvez télécharger le pdf en français : Le Tribunal Des Eaux
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